D’origine angevine, Frédéric Saulou s’interroge sur l’héritage post-industriel de l’utilisation de la matière minérale locale et s’intéresse à la création de pièces fonctionnelles liées à l’habitat en questionnant l’histoire, le minéral et son impact usuel entre l’art et le design. Il détourne, démocratise et valorise l’ardoise et le calcaire. Il confronte les savoir-faire artisanaux et industriels à des fins créatives en réinterprétant la matière.
Domestiquer est un projet de réinsertion du patrimoine avec une démarche de design d’auteur, nourri de rencontres partenariales et collaboratives entre des pensées créatives et économiques. De la confrontation entre les unités de production industrielle et artisanale naissent de nouvelles applications de la matière minérale et des métiers de la pierre et je me penche alors sur l’adaptabilité au monde domestique de ces objets hybrides.
Les moyens de production artisanaux et industriels influencent implacablement la forme et se trouvent être le prolongement technique et esthétique du façonnage de l’objet. L’ensemble des pièces avec un dessin simple et abrupt met la matière première et l’outil à l’honneur. Je crée aussi des parallèles entre l’art et le numérique, prétexte à la rencontre entre des temporalités, des techniques et des contraintes différentes.
Hier comme aujourd’hui, les matériaux traditionnels comme l’ardoise et la pierre calcaire ont fait leurs preuves et participent pleinement à l’écriture de l’histoire. Ces minéraux sont hélas parfois considérés comme « pauvres» et je m’efforce alors de rappeler l’origine de leur utilisation. Ils sont la base de la création de l’habitat moderne et je leur rends modestement hommage en les réinventant. Détournés de leurs fonctions premières, ils deviennent objets et s’immiscent enfin dans l’espace domestique.
Ses créations à partir de ressources naturelles sont l’objet d’un véritable travail archéologique qui fait se côtoyer l’héritage des symboles de la construction et les codes des ouvrages modernes. Elles ont alors une identité avec une esthétique maitrisée, simple et brute et s’inspirent des codes de l’architecture comme levier créatif. Les volumes sont simples mais construits. L’immersion de la matière dans l’espace est pure, comme si l’objet avait toujours été présent, qu’il faisait partie des murs.
“Je privilégie une écriture visuelle et parfois primitive que je trouve rassurante et pleine d’aplomb” Saulou dit. Les formes rondes et décoratives répondent aux lignes droites et pures, non sans rappeler les périodes de l’ornementation à la rationalisation de l’espace des années 90. Les outils et les lignes se lisent au travers de nouvelles formes architecturalement modernes mais élémentaires à l’image de sculptures monolithiques et géométriques. Il y a une économie de moyens qui fait la part belle à l’évidence dans une dimension monumentale où habitat et environnement se mêlent.
Schiste
L’ardoise est un matériau cassant et très robuste à la fois. Il est étonnant de pouvoir ciseler une dentelle dans une feuille d’ardoise, comme de façonner une forme monolithique cette fois dans un bloc massif. Cette roche sédimentaire provient d’une argile ayant subi un métamorphisme. Elle appartient à la famille des schistes issue de la transformation minéralogique des argiles en schistes. Difficile d’extraction en grand format, la matière est soigneusement choisie, extraite sur-mesure pour trouver les meilleurs éléments nécessaires à la réalisation d’objets d’art et de grands formats. Chaque pierre est choisie pour sa forme, sa couleur et sa qualité.
L’ardoise est très dense par rapport à d’autres pierres et se distingue par sa fissilité car son grain est très fin et homogène. Dans ce noir profond et doux se dégage un panel de couleurs subtiles. Son aspect est lustré en raison de la présence de petits micas blancs qui lui donne cet aspect parfois marbrier et qui permet de réaliser différentes finitions. La matière clivée quant à elle, partie naturellement brute, s’exprime librement, avec ses défauts esthétiques et son aspect graphique incertain, si particulier permettant de jouer avec les surfaces.
Frédéric Saulou
Né en 1989, Frédéric Saulou, vit et travaille à Rennes, en France. Diplômé en design d’espace et d’environnement à l’Institut Supérieur des Arts Appliqués (LISAA) en 2011 et en design d’objet à l’Ecole Européenne Supérieure des Beaux Arts de Rennes (EESAB) en 2013, Frédéric continuera à se perfectionner au sein de l’agence Eric Gizard Associés et auprès du designer Frédéric Ruyant.
En 2013, il fonde le studio – Frédéric Saulou Design Studio – une agence de design et de conseil indépendante et pluridisciplinaire qui conçoit le design comme un espace de recherche et d’échange lui permettant de développer une approche sensible des formes et des matériaux.
L’expérimentation et la recherche priment sur son travail afin de penser de nouveaux matériaux et de nouveaux usages. Cela accompagne sa démarche au quotidien pour que chaque projet soit conçu comme une sculpture à part entière, entre simplicité et technicité. Sa démarche le guide vers une approche globale mais aussi unique dans ses créations, créant ainsi des interactions particulières entre l’utilisateur et l’objet, entre l’artisanat industriel.
Aujourd’hui, Frédéric travaille sur différents projets, de l’objet à l’espace, en série ou en édition limitée et collabore avec des institutions et des marques prestigieuses telles que les maisons d’édition Ligne Roset, Drugeot Manufacture, Brossier Saderne, Vista Alegre, Esprit Porcelaine Limoges, Galerie Philia, Galerie Room, Dymant, Haptein, Le Molitor, Suite 13, Dixjours, Savannah Bay Gallery…